Ces armoiries sont celles portées par Philippe le Hardi (+1402), fils du Roi Jean II le Bon, lorsqu’en 1360 il reçoit le titre de Duc de Touraine. Comme nous l’avons précédemment vu, ce même Philippe deviendra Duc de Bourgogne quelques années plus tard, d’où l’identité des armes de Touraine avec celle dites de manière abusive de "Bourgogne moderne".
Au XIXe siècle et jusqu’à la première moitié du XXe, ces armes de Touraine aujourd’hui communément admises se voyaient souvent remplacées par d’autres, créées pratiquement ex-nihilo pour cette ancienne province. Leur blasonnement est : de gueules, au château d’argent, ouvert de sable, à la bordure componée d’argent et d’azur, les compons d’argent, chargés d’une croix de Jérusalem d’or, ceux d’azur, d’une fleur de lys d’or, surmontée d’un lambel de gueules.
Le château renvoie selon les uns aux nombreuses châtellenies que comptait la province, ou selon les autres à l’idée de "tours" que suggère le toponyme de cette province, toutes positions parfaitement discutables (1). Plus intéressants sont les compons de la bordure, en ce qu’ils renvoient aux armes de la première Maison capétienne d’Anjou. En effet, et sans rentrer dans les détails historiques, Charles Ier d’Anjou portait depuis 1277, des armes parties de France au lambel de gueules et de Jérusalem. Seulement voila, si sur le plan héraldique cet usage est intéressant, sur le plan historique il n’a pas grand sens pour le sujet qui nous occupe ici. Certes, la Touraine a appartenue aux Comtes d’Anjou, mais c’était à l’époque des Plantagenêts, donc avant la conquête française et le rattachement au domaine royal (2). Lorsque le Comté d’Anjou est attribué en apanage à Charles Ier, la Touraine demeure dans le domaine royal, et ce n’est pas parce que depuis la Révolution le département d’Indre-et-Loire, cœur de l’ancienne province tourangelle, compte dans sa frange occidentale, des territoires historiquement angevins, que cela change les choses. En effet, les provinces, à l’inverse des régions ou des départements, s’analysent dans une perspective historique et non administrative, ce rattachement ne modifie donc pas les frontières des deux anciennes provinces. En conséquence, si pour d’autres cas que nous avons rencontrés, l’usage d’armoiries alternatives à celles communément admises peut trouver une légitime justification, dans le cas présent, c’est, de notre point de vue, à bon droit que ces secondes armoiries sont aujourd’hui généralement abandonnées.